Photo d'un renard polaire arctique Alopex lagopus qui dort enroulé dans sa queue comme dans une couverture pour se protéger du froid (Auteur Rama : mars 2011)
Aussi incroyable que cela puisse paraître, il fut un temps où les animaux n’avaient pas de queue… Ni le renard, ni l’âne, ni le lapin, ni le chien, (ni le chat), ni les autres… Et cela les rendait fort tristes… Imaginez la surprise de tout ce petit monde lorsqu’on annonça qu’une grande foire allait avoir lieu, et qu’on allait y vendre, devinez quoi : des queues !... Le renard arriva bon premier à la foire. Des queues, il y en avait, oui, et toutes sortes : des grandes, des minces, des courtes, des longues. Sans parler des queues en forme de feuille, de pompon ou de ficelle, des queues lisses comme le verre ou aussi râpeuses que le bois… Le renard eut tout loisir de choisir la plus rousse, la plus touffue, en un mot la plus belle. Sur le chemin du retour, il rencontra le chien, qui loucha sur le panache roux… Le chien courut à la foire et se trouva, ma foi, une assez belle queue, pareille à un gros plumeau noir. S’en retournant chez lui, il rencontra le chat, qui loucha sur le plumeau noir… Le chat courut à la foire et se trouva, ma foi, une assez belle queue, rayée comme le pelage du zèbre et qui ressemblait à un serpent soyeux. Au retour, il rencontra le cheval, qui loucha sur le serpent soyeux... Le cheval courut à la foire et dut fouiller longtemps pour trouver, ma foi, une assez belle queue, toute de crins immenses, semblable à une grande barbe de maïs. Il s’en allait chez lui quand il rencontra la vache, qui loucha sur la longue barbe de maïs… La vache courut donc à la foire… Les plus belles queues étaient parties ! Elle fureta, fouina, et finit tout de même par dénicher une queue, un peu ridicule, ma foi, en forme de corde effilochée. Bah ! Pour chasser les mouches, pensa-t-elle, c’était bigrement suffisant. Tous les animaux défilèrent les uns après les autres, et le tas de queues diminua… Enfin, beaucoup plus tard, arriva le cochon, encore essoufflé de sa longue course, et bon dernier… Il en restait une. Une misérable et ridicule petite queue en tire-bouchon…Il se l’attacha sur le champ et s’en retourna chez lui fier comme un pape. C’est ainsi que les animaux ont trouvé leurs queues…
La fin de l’histoire ne dit pas pourquoi l’homme ne s’est pas muni lui aussi d’une queue…
(Mille Ans de contes d’animaux-éditions Milan 1993)