...C'est bien connu, à la longue, les masques collent à la peau des personnes qui les portent, comme de la poisse. Il suffit d'assister à un bal masqué, pour s'en rendre compte. J'y ai participé une fois dans mon jeune temps, et ce fut pour moi un véritable calvaire. On ne savait pas qui était qui ! Je me suis bien jurée de ne jamais remettre les pieds dans ce type de mascarade. Un bal masqué est un trompe-l'oeil et un reflet malveillant de ce que peut être une société. Et il n'y a pas de société possible, si elle n'est pas fondée sur l'hypocrisie... Et l'hypocrisie a toujours été un vice à la mode. Il y a même des humains qui prétendent que le chat est hypocrite ! Cela me rappelle Louis Pergaud, instituteur et romancier, mort prématurément à la guerre de 1914, qui avait démontré que c'était une pure invention humaine et que le chat n'était pas fourbe... Pour illustrer ses propos, il avait inventé une petite histoire, que j'aime raconter à ma manière pour la rendre un peu cocasse :
Il était une fois trois amis : Patou, le chien , Calinou le chat, et Thomas, le petit garçon. Ils avaient le même âge. Ils vivaient dans la même maison. Ils s'entendaient à merveille. Les deux premières années, le chien, le chat et le garçonnet jouaient ensemble à quatre pattes. Puis Thomas continua à s'amuser sur ses deux jambes avec ses compagnons quadrupèdes et marcha gaillardement vers son troisième anniversaire.
Arriva donc le jour où Thomas le petit garçon fut séparé de ses deux boules de poils, pour aller à l'école. A la récréation, il jouait avec les autres enfants, et en classe il écoutait Mademoiselle Delatronchette qui était son institutrice. Cette demoiselle était très maigre. Elle avait des lunettes et un chignon qui lui donnaient un air sévère, et un nez tout pointu. On aurait dit qu' elle avait avalé son parapluie, tant elle était raide et guindée. En plus, elle ne souriait jamais.
Un matin d'octobre, la maîtresse dit à ses petits élèves :
- Le chien est fidèle, obéissant et dévoué à son maître tandis que le chat est hypocrite, gourmand et voleur.
Les enfants, convaincus que la maîtresse disait la vérité répétèrent ses paroles. Thomas fut troublé, lui qui avait un chien et un chat. Sans en avoir l'air, Mademoiselle Delatronchette en rajouta une louche :
- Méfiez-vous des chats, les enfants, et ne jouez jamais avec eux.
Quand Thomas rentra chez lui, ses deux animaux qui s'étaient bien ennuyés durant son absence, comme d'habitude, s'approchèrent contents de le revoir ; Patou le chien qui aboyait joyeusement et frétillait de la queue, fut bien accueilli. Quant à Calinou, le chat, qui ronronnait et faisait le gros dos, il fut très mal accueilli :
- Va-t'en, tu n'es qu'un vilain chat et un sale hypocrite !
Dommage que Mademoiselle Delatronchette ait semé une graine de calomnie anti-féline dans les cerveaux, et surtout dans celui de Thomas ! On ne connait pas la fin de cette histoire. Mais il est bien triste que Calinou en ait fait injustement les frais. Hélas, la mauvaise réputation de nos gentils minets ne repose que sur des jugements grossiers et stupides, sans base solide...